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Résumés des communications
COMMUNICATIONS DU JEUDI 16 MAI 2024
Thierry DECHEZLEPRETRE L'agglomération antique de Grand (Vosges) : état des recherches Depuis la reprise des recherches par Edouard Salin en 1960, le site de Grand a fait l’objet de nombreux travaux, dans un premier temps orientés vers la basilique et l’amphithéâtre. Les investigations archéologiques se concentrent par la suite sur l’habitat ainsi que sur le réseau d’aqueducs souterrains et les puits, au nombre desquels le « puits aux tablettes zodiacales ». Les synthèses publiées à partir des années 1980 rendent compte de ce foisonnement scientifique autour de recherches menées notamment par Roger Billoret, Jean-Paul et Chantal Bertaux. En 1991, la restitution graphique de Jean-Claude Golvin présente le site de Grand comme un vaste complexe cultuel organisé autour d’un péribole à portique associant un aménagement de source et un important temple de type pseudo péristyle sur podium. Selon cette hypothèse, le portique qui englobe les édifices de culte était lui-même inclus dans une enceinte d’environ 18 hectares, dont la fonction est alors considérée comme principalement symbolique. L'actuel projet collectif de recherche vise à mettre en perspective les découvertes anciennes et à étudier les nombreuses collections mises au jour depuis le XIXe siècle. Les prospections géophysiques et aériennes ainsi que les fouilles réalisées dans ce cadre ont permis de réévaluer la surface du site antique, estimée aujourd’hui à plus de 70 hectares. Les études en cours portent notamment sur l’organisation spatiale de la ville dans ses différentes composantes, en particulier les bâtiments publics (amphithéâtre, basilique, complexes thermaux), l’enceinte monumentale et enfin les quartiers d’habitation et artisanaux. Le centre de l’agglomération semble correspondre à la résurgence mise en évidence dans les années 1990 sous l’église Saint-Libaire où convergent également plusieurs conduites hydrauliques. Enfin, l’environnement de Grand fait l’objet d’un programme spécifique qui vise notamment à mieux comprendre comment cette agglomération, à l’écart des grands axes de communication, s’inscrivait dans la cité des Leuques et organisait son territoire. The ancient town of Grand (Vosges): state of research Since the resumption of research by Edouard Salin in 1960, the Grand site has been the subject of numerous studies, initially focused on the basilica and the amphitheater. Subsequent archaeological investigations have shifted towards the habitat, underground aqueduct network, and wells, including the "well with zodiacal tablets." Syntheses published from the 1980s onwards account for this scientific proliferation, driven notably by Roger Billoret, Jean-Paul, and Chantal Bertaux. In 1991, Jean-Claude Golvin's graphic reconstruction presented the Grand site as an extensive cultic complex organized around a peristyle portico, combining a spring arrangement with a significant pseudo-peristyle temple on a podium. According to this hypothesis, the portico encompassing the religious structures was itself included in an enclosure of about 18 hectares, primarily considered symbolic. The current collective research project aims to contextualize ancient discoveries and study the numerous collections unearthed since the 19th century. Geophysical and aerial surveys, along with excavations in this framework, have led to a reassessment of the ancient site's surface, now estimated at over 70 hectares. Ongoing studies focus on the spatial organization of the city, particularly public buildings (amphitheater, basilica, thermal complexes), the monumental enclosure, and residential and artisanal neighborhoods. The city's center appears to correspond to the resurgence highlighted in the 1990s beneath the Saint-Libaire church, where several hydraulic conduits also converge. Finally, the Grand environment is part of a specific program, aiming to better understand how this settlement, situated away from major communication routes, integrated into the Leuques city and organized its territory.
Martine JOLY Le contexte archéologique des tablettes astrologiques de Grand (Vosges) Outre les deux diptyques et leurs couvercles, la fouille conduite par Jean-Paul Bertaux a livré de nombreux objets dans les niveaux antiques du puits. Ceux-ci s’étalent sur environ 4,5 m pour une profondeur totale de 8 m. Les sédiments argileux baignant dans l’eau, il n’a hélas pas été possible de distinguer d’éventuelles phases de comblement. En revanche, le tri systématique de ces sédiments, ainsi que leur tamisage, a permis de recueillir de nombreux artefacts et écofacts : tessons de céramiques, objets en verre, en métal et en os, semelles de chaussures cloutées en cuir, ainsi que des fragments de bois travaillés (un seau ou un boisseau), des noyaux de fruits cultivés et sauvages, des ossements d’animaux, des coquilles d’huître, un fragment d’éponge, etc. D’une manière générale, ces vestiges archéologiques se caractérisent par une fragmentation importante et une variété qui évoquent les rejets domestiques mis en évidence dans les autres puits explorés à Grand. L’étude des objets trouvés avec les tablettes zodiacales apporte d’importantes informations. La céramique, qui constitue le mobilier le plus abondant, fournit les principaux marqueurs chronologiques. Il s’agit de vases provenant d’ateliers de potiers locaux ou régionaux (terra nigra et de terra rubra), ou d’importations plus lointaines (sigillées et céramiques engobées et métallescentes d’Argonne et de Trêves). Ces récipients en terre cuite sont destinés à la préparation (jattes), à la cuisson (marmite, pots, bouilloires), au service (plats, coupes, bols, cruches, pichets) et à la consommation (assiettes, gobelets) des aliments solides ou liquides. L’étude du mobilier associé aux tablettes apporte des renseignements de premier ordre qui permettent de mieux connaître différents aspects de la vie quotidienne (habitudes culinaires, commerce…) des habitants de l’agglomération de Grand durant l’Antiquité. The archaeological context of the astrological tablets from Grand (Vosges) In addition to the two diptychs and their lids, the excavation led by Jean-Paul Bertaux yielded numerous objects in the ancient levels of the well. These extend over approximately 4.5 m to a total depth of 8 m. Unfortunately, as the clay sediments were immersed in water, it was not possible to distinguish any filling phases. On the other hand, systematic sorting and sieving of the sediments yielded numerous artefacts and ecofacts : ceramic sherds, glass, metal and bone objects, studded leather shoe soles, as well as fragments of worked wood (a bucket or a bushel), cultivated and wild fruit stones, animal bones, oyster shells, a fragment of sponge, and so on. Generally speaking, these archaeological remains are characterized by a high degree of fragmentation and variety, reminiscent of the domestic waste found in other wells explored at Grand. The study of the objects found with the zodiac tablets provides important information. Ceramics, the most abundant material, provide the main chronological markers. These vessels come from local or regional pottery workshops (Terra Nigra and Terra Rubra), or from more distant imports (sigillées and engobed and metallescent ceramics from Argonne and Trier). These earthenware vessels were used for preparing (bowls), cooking (cooking pots, jars, kettles), serving (dishes, bowls, jugs, pitchers) and eating (plates, cups) solid or liquid foods. The study of the furniture associated with the tablets provides first-rate information on various aspects of daily life (culinary habits, trade, etc.) for the inhabitants of the Grand agglomeration during Antiquity.
Daniel ROGER et Fanny HAMONY Deux musées pour deux diptyques : de la restauration à la valorisation Découverts en 1967-1968, les deux diptyques formant l’ensemble des tablettes zodiacales de Grand connaissent, dès lors, une histoire complexe. Véritables puzzles d’ivoire, ils sont rapidement envoyés au Laboratoire d’Archéologie des Métaux de Nancy pour y faire l’objet d’un remontage minutieux par Albert France-Lanord. C’est le ministre des Affaires culturelles de l’époque, André Malraux lui-même, qui décide d’affecter ces deux diptyques à deux musées : le musée départemental des Vosges, à Épinal, et le musée d’Archéologie nationale, à Saint-Germain-en-Laye. Ce souhait restera gravé bien après que le ministre eût quitté ses fonctions, en 1969, et lui survivra même, puisqu’en 1977, les tablettes, toujours sous la responsabilité de la Direction des Antiquités Historiques de Lorraine, sont attendues impatiemment par le MAN et même, vivement sollicitées par la direction des Musées de France. À l’aube d’une rénovation d’ampleur de la présentation des collections du musée d’Archéologie nationale, c’est donc l’itinéraire muséal insolite de ces objets exceptionnels, de leur restauration à leur valorisation, que nous nous proposons de retracer dans cette communication. Two museums for two diptychs: from restoration to enhancement Discovered in 1967-1968, the two diptychs that make up the Grand zodiac tablets complex history. Real ivory puzzles, they were quickly sent to the Laboratoire d'Archéologie des Métaux in Nancy for meticulous reassembly by Albert France-Lanord. It was the Minister of Cultural Affairs at the time, André Malraux himself, who decided to assign the two diptychs to two museums: the Musée Départemental des Vosges, in Épinal, and the Musée d'Archéologie Nationale, in Saint-Germain-en-Laye. This wish remained engraved long after the Minister had left office, in 1969, and even outlived him, since in 1977, the tablets, still under the responsibility of the Direction des Antiquités Historiques de Lorraine, were eagerly awaited by the MAN and even strongly solicited by the Direction des Musées de France. On the eve of a major renovation of the presentation of the collections at the Musée d'Archéologie Nationale, it is therefore the unusual museum itinerary of these exceptional objects, from their restoration to their promotion, that we propose to retrace in this paper.
Yannick VANDENBERGHE Les fragments de ces deux jeux de tablettes zodiacales possèdent des restes de couleurs parfaitement visibles. Ainsi, des couches rouges, beiges, noires, mais aussi des restes de dorures, sont décelables par une simple observation visuelle. Il n’est cependant pas évident de percevoir clairement quel pouvait être l’aspect originel de la polychromie. Les examens et les analyses qui seront présentés ont pour objectif de mieux comprendre la nature des matériaux qu’il reste à la surface de l’ivoire et leur origine. Quel a été l’impact lié au contexte d’enfouissement ? Comment différencier les composés exogènes, résultant de cet enfouissement, les matériaux modernes de restauration et les restes de polychromie originale ? Qu’en est-il de l’état de conservation des pigments, ont-ils subi des altérations entrainant des modifications chromatiques ? Afin de répondre à ces questions et permettre la caractérisation des matériaux, l’imagerie scientifique a été complétée par de l’imagerie chimique, la cartographie de fluorescence des rayons X, par de l’analyse structurale non-invasive en diffraction des rayons X, ainsi que par l’étude de microprélèvements (inférieur au mm3) en microscopie optique et électronique. Colors and pigments - Analyzing traces of polychromy The fragments of these two sets of zodiac tablets have perfectly visible color remnants. Red, beige and black layers, as well as remnants of gilding, can be detected by simple visual observation. However, it is not clear what the original aspect of the polychromy might have been. The examinations and analyses that will be presented aim to better understand the nature of the materials remaining on the surface of the ivory and their origin. What was the impact of the burial context? How can we differentiate between exogenous compounds resulting from burial, modern restoration materials and remnants of original polychromy? What about the state of conservation of the pigments, have they undergone alterations leading to chromatic changes? In order to answer these questions and characterize the materials, scientific imaging was complemented by chemical imaging, X-ray fluorescence mapping, non-invasive structural analysis using X-ray diffraction, and the study of micro-samples (smaller than mm3) using optical and electron microscopy.
Thomas SAGORY et Michel DABAS L’apport des techniques de numérisation à la recherche et à la valorisation des tablettes de Grand Les 4 tablettes zodiacales de Grand conservées au MAN et au MUDAAC ont fait l’objet de plusieurs numérisations. Une première sans contact grâce à un scanner 3D à lumière structurée lors de deux journées au MAN en 2019. L’image est analysée par deux caméras et la volumétrie de l'objet en est déduite. L’intérêt est de pouvoir disposer d’un clone numérique (20 Microns) à très haute densité de points. Les prises de vue photographiques du MAN permettent la production d’une texture de très haute résolution. Une seconde numérisation par stéréophotométrie a été effectuée en moins d’une heure en juillet 2022. Cette technique optique de photométrie permet la création d'un jumeau numérique 3D à partir d'un jeu d’une dizaine de photographies prises du même point de vue, avec un éclairage différent. Ce dernier est calibré pour chaque vue (modèle lambertien). Il devient possible de dissocier la géométrie de la couleur de surface. Cette méthode d'acquisition non invasive est légère par sa mise en œuvre. Elle s’appuie sur le logiciel openSource Meshroom. La confrontation de ces méthodes de relevé illustre la complémentarité des méthodes. Ces jumeaux numériques servent à la recherche, à la documentation, à la médiation et au partage. Plusieurs utilisations seront montrées jusqu'à une expérience de démontage et remontage virtuel des esquilles d'ivoire composant ces tablettes. The contribution of digitisation techniques to researching and promoting the tablets of Grand. The 4 Grand zodiacal tablets conserved at MAN and MUDAAC have been digitized several times. The first non-contact scan was carried out using a 3D structured light scanner over two days at the MAN in 2019. The image is analyzed by two cameras and the volumetry of the object is deduced. The aim is to obtain a digital clone (20 microns) with a very high point density. The MAN's photographic images are used to produce a very high-resolution texture. A second scan, using stereophotometric method was carried out in less than an hour in July 2022. This optical photometry technique enables the creation of a 3D digital twin from a set of ten or so photographs taken from the same vantage point, with different lighting. The lighting is calibrated for each view (Lambertian model). This makes it possible to dissociate geometry from surface color. This non-invasive acquisition method is easy to use. It is based on the openSource Meshroom software. The comparison of these survey methods illustrates their complementarity. These digital twins are used for research, documentation, mediation and sharing. A number of uses will be demonstrated, including a virtual disassembly and reassembly experiment with the ivory shards that make up these tablets.
Eva DAVID L’ivoire et la tracéologie – L’analyse au microscope des traces de travail et de gravure Les quatre tablettes zodiacales de Grand (Vosges) examinées sont regroupées en deux diptyques avec leurs couvercles respectifs qui ont tous été restaurés au XXe siècle pour les besoins de la conservation et de la valorisation. Ces œuvres posent la question de l’auteur à l’origine de leur manufacture : une ou plusieurs mains ? L’analyse technique de cette matérialité repose sur la lecture diacritique de chacune d’entre elles afin de restituer et de comparer les modalités techniques intervenues dans la transformation de l’ivoire, la matière source utilisée pour confectionner les tablettes (Béal, 1993). L’examen préliminaire montrera autant les indices de traitement de surface que ceux liés à la gravure des motifs astrologiques. Ivory and tracing - Microscopic analysis of work and engraving marks The four zodiac tablets from Grand (Vosges) examined are made of two diptychs with their respective covers which all have been restored in the 20th century for conservation and valuation purposes. These art-pieces raise the question of their original authorship: one hand or several? The technical analysis of this materiality is based on the diacritical reading of each of these pieces in order to reconstruct and compare the technical methods used to transform ivory, the source material used to implement the tablets (Béal, 1993). Preliminary examination will reveal evidence of both surface treatment and the engraving of astrological motifs.
Eric AUBOURG Représentation du ciel dans l’Antiquité, zodiaques, décans et planètes. Le cas du zodiaque de Dendera et mise en perspective avec les tablettes de Grand Dans cette communication, nous explorerons la manière dont les civilisations anciennes concevaient et représentaient le ciel étoilé, notamment à travers le prisme des constellations, du zodiaque, des décans, et des planètes telles qu'elles étaient identifiées à l'époque. La notion de zodiaque, un cercle de douze divisions de 30 degrés chacune, occupant une place prééminente dans l'astronomie et l'astrologie antiques, sera examinée. Le zodiaque est en effet le lieu où évoluent les planètes, le Soleil et la Lune. Chaque division, ou signe, correspond à une constellation et joue un rôle clé dans la cartographie céleste. L'origine de ces constellations zodiacales et leur évolution au fil du temps reflètent une interaction complexe entre différentes cultures, notamment grecque, babylonienne et égyptienne. Les décans, une autre contribution majeure de l'Égypte ancienne à l'astronomie, représentent des divisions du ciel nocturne servant à marquer le temps durant la nuit. Originellement, ils étaient au nombre de 36, divisant l'écliptique en segments de 10 degrés chacun, et étaient associés à des étoiles ou groupes d'étoiles spécifiques. Ces décans jouaient un rôle crucial dans le décompte du temps et le calendrier égyptien, influençant la vie quotidienne et les pratiques religieuses. Le zodiaque de Dendera, un artefact monumental égyptien, offre un aperçu de ces pratiques astronomiques : ce planisphère céleste, gravé sur la pierre, illustre le ciel étoilé en intégrant zodiaque, décans, et planètes. Son analyse sera mise en perspective avec celle des tablettes de Grand, plus tardives. Nous mettrons en lumière les similitudes et différences dans la représentation du ciel entre ces deux éléments. Nous en profiterons pour examiner les pratiques astronomiques antiques, leur signification culturelle, leur influence sur la société, que cela soit pour la planification des activités agricoles, la fixation des dates des festivités religieuses ou la vie quotidienne. Nous tenterons d'identifier ce que ces objets nous révèlent sur l'état des connaissances astronomiques de leurs concepteurs. Representation of the sky in Antiquity, zodiacs, decans and planets. The case of the Dendera zodiac and its comparison with the Grand tablets. In this paper, we will explore the way in which ancient civilisations conceived and represented the starry sky, in particular through the prism of the constellations, the zodiac, the decans and the planets as they were identified at the time. The notion of the zodiac, a circle of twelve divisions of 30 degrees each, occupying a pre-eminent place in ancient astronomy and astrology, will be examined. The zodiac is indeed the place where the planets, the Sun and the Moon move around. Each division, or sign, corresponds to a constellation and plays a key role in celestial cartography. The origin of these zodiacal constellations and their evolution over time reflect a complex interaction between different cultures, notably Greek, Babylonian and Egyptian. The decans, another major contribution of ancient Egypt to astronomy, represent divisions of the night sky used to mark time during the night. Originally, there were 36 of them, dividing the ecliptic into segments of 10 degrees each, and they were associated with specific stars or groups of stars. These decans played a crucial role in the counting of time and the Egyptian calendar, influencing daily life and religious practices. The Dendera zodiac, a monumental Egyptian artefact, offers an insight into these astronomical practices: this celestial planisphere, engraved on stone, illustrates the starry sky by integrating the zodiac, decans and planets. Its analysis will be put into perspective with the later Grand tablets. We will highlight the similarities and differences in the representation of the sky between these two elements. We will also take the opportunity to examine ancient astronomical practices, their cultural significance and their influence on society, whether in terms of planning agricultural activities, setting the dates for religious festivities or everyday life. We will try to identify what these objects reveal about the state of astronomical knowledge of their designers.
COMMUNICATIONS DU VENDREDI 17 MAI 2024
Florian AUDUREAU À la suite de l’article de Mahé sur l’astrologie dans l’hermétisme se pose la question des liens complexes entre magie, astrologie et philosophie à l’époque romaine. Afin de documenter la circulation des savoirs et leurs usages, il est possible d’envisager la place qu’occupent les techniques et concepts de l’astrologie hellénistique dans les rituels « magiques » gréco-égyptiens. Il s’agira donc d’explorer les Papyri Graecae Magicae pour examiner leurs possibles liens avec les tablettes zodiacales de Grand. Cette documentation pourra sans doute jeter une lumière nouvelle sur les emplois possibles des tablettes. From the Vosges to Memphis. Uses of astrology in Greco-Egyptian "magic". Mahé's article on astrology in Hermeticism raises the question of the complex links between magic, astrology and philosophy in Roman times. In order to document the circulation of knowledge and its uses, it is possible to consider the place occupied by Hellenistic astrological techniques and concepts in Greco-Egyptian "magical" rituals. The Papyri Graecae Magicae will therefore be explored to examine their possible links with the Grand zodiac tablets. This documentation will undoubtedly shed new light on the possible uses of the tablets.
Anca DAN Au début du Roman d'Alexandre, mis en forme au plus tard au IIIe siècle apr. J.-C., le dernier pharaon d'Egypte, Nectanebo, père supposé d'Alexandre le Grand, est représenté comme un mage astrologue à la cour macédonienne. Pour faire l'horoscope d'Olympias, il utilise des tablettes analogues à celles de Grand, sur lesquelles il dispose des pierres précieuses et semi-précieuses pour noter la position des planètes au moment de la naissance de la reine. Toutefois, le texte est obscur: le mage utilise huit (et non pas sept) pierres; leurs noms ne permettent pas une identification facile; la charte astrale de la reine est secrètement utilisée par Nectanebo pour un calcul de sa propre compatibilité érotique avec Olympias. Dans notre présentation, nous proposons une nouvelle traduction et interprétation de ce texte, en expliquant jusqu'à quel point il peut être utilisé pour comprendre la manière concrète dont les tablettes de Grand ont pu être utilisées au IIe-IIIe siècle. The tablets and the magician: reflections on the use of astrological tablets in Roman antiquity, based on the Roman of Alexander At the beginning of the Roman of Alexander, written no later than the 3rd century AD, the last pharaoh of Egypt, Nectanebo, supposed father of Alexander the Great, is depicted as a magus astrologer at the Macedonian court. To draw Olympias' horoscope, he used tablets similar to those of Grand, on which he placed precious and semi-precious stones to note the position of the planets at the time of the queen's birth. However, the text is obscure: the magician uses eight (not seven) stones; their names do not allow easy identification; the queen's astral chart is secretly used by Nectanebo for a calculation of his own erotic compatibility with Olympias. In our presentation, we propose a new translation and interpretation of this text, explaining to what extent it can be used to understand the concrete way in which the Grand tablets may have been used in the 2nd-3rd century.
Joachim QUACK Les études antérieures sur les noms des décans sur les tablettes de Grand ont déjà apporté beaucoup de renseignements, surtout grâce aux travaux de Josèphe-Henriette Abry. Néanmoins, des précisions et rectifications sont à apporter, en particulier dans les propos de Jean-Claude Goyon. Dans ma présentation je tenterai de démontrer que l’écriture des tablettes ne peut pas être considérée comme du vieux-copte, mais est simplement du grec. Les noms des décans n’appartiennent pas à une seule et cohérente famille de la tradition égyptienne, mais constituent un mélange de deux traditions différentes, structurellement similaires en cela à la liste de l’Héphaistion, mais avec des différences. Ainsi, des noms montrent déjà des corruptèles ; ils sont généralement reconnaissables mais d’une qualité parfois médiocre. En ce qui concerne l’iconographie, les décans de la balance posent problème dans la coordination des quatre figures représentées dans les trois décans. Une nouvelle solution sera proposée qui entrainera une meilleure correspondance avec les traités hermétiques. The names and iconography of the decans on the Grand Previous studies of the names of the decans in the tablets of Grand have already provided many insights, especially due to the work of Josèphe-Henriette Abry. Still, some corrections and specifications are needed, especially concerning proposals by Jean-Claude Goyon. In my presentation, I will clarify that the writing of the tablet cannot be considered as Old Coptic but is simply Greek. The names of the decans do not belong to one single and coherent family in the Egyptian tradition. They are a mixture of two different traditions, structurally similar to the list in Hephaistion, although with differences in the details. The names also display corruption. While generally being recognizable that are somewhat mediocre in transmission quality. Concerning the iconography, the decans of the balance are problematic in the distribution of four figures depicted to three decans. A new solution will be proposed which will create a better correspondence to the hermetic treatises.
Andreas WINKLER This contribution will discuss astrologers’ tablets (pinakes) in light of the Egyptian (Demotic) and Greek papyri relating to astrology. The portable pinakes are found across the Roman Empire and are usually understood as tools to visualise a horoscope for a client. Given that the astrological papyri are practical tools of astrologers, the procedure as reconstructed from these texts may illuminate the position of the pinakes in astrological consultations. What could one achieve with a simple instrument compared to a more elaborate one, such as the tablets from Grand? Papiers astrologiques et planches d'astrologues Cette contribution traite des planches d'astrologues (pinakes) à la lumière des papyrus égyptiens (démotiques) et grecs relatifs à l'astrologie. Les pinakes portables sont présents dans tout l'Empire Romain et sont généralement considérés comme des outils permettant de visualiser l'horoscope d'un client. Étant donné que les papyrus astrologiques sont des outils pratiques des astrologues, la procédure telle qu'elle est reconstituée à partir de ces textes peut éclairer la position des pinakes dans les consultations astrologiques. Que pouvait-on faire avec un instrument simple par rapport à un instrument plus élaboré, comme les tablettes de Grand ?
Michael ZELLMANN-ROHRER Bien que secondaires, les textes en caractères grecs (légendes, chiffres) ont joués un rôle important dans l’interprétation de la composition visuelle des tablettes de Grand. L’analyse de cette écriture reste largement à développer et enrichira l'étude des tablettes. La contribution que je propose commencerait avec une description précise et un classement paléographique des formes des lettres. Je présenterai grâce à des parallèles, la datation de la production des tablettes distincte de la date établie par le contexte archéologique de déposition. Les caractéristiques d'écriture seront comparées entre Tablettes A et B, à la lumière de la syllabation, pour évaluer une éventuelle différenciation dans les conditions de production. Le contexte épigraphique sera aussi pris en compte pour contextualiser les inscriptions grecques des tablettes en les comparant avec d’autres artefacts liés aux sciences astrales : inscriptions grecques retrouvées en Gaule comme la Tabula Bianchini ou les inscriptions sur ivoire de l’Antiquité tardive. En guise de conclusion, nous soulignerons les implications socio-culturelles de la présence de l'écriture grecque dans un contexte local pour lequel le latin était l'écriture dominante. Epigraphic considerations around the Grand tablets Although secondary, texts in Greek characters (legends, numerals) played an important role in interpreting the visual composition of the Grand tablets. The analysis of this script remains largely to be developed and will enrich the study of the tablets. My proposed contribution would begin with a precise description and palaeographic classification of the letterforms. Using parallels, I will present the dating of the production of the tablets as distinct from the date established by the archaeological context of deposition. The writing characteristics will be compared between Tablets A and B, in the light of syllabification, in order to assess any differences in production conditions. The epigraphic context will also be taken into account to contextualise the Greek inscriptions on the tablets by comparing them with other artefacts linked to the astral sciences: Greek inscriptions found in Gaul, such as the Tabula Bianchini, or inscriptions on ivory from Late Antiquity. In conclusion, we will highlight the socio-cultural implications of the presence of Greek writing in a local context where Latin was the dominant script.
Fabio SPADINI Comment les imagiers ont-ils représenté les signes du zodiaque sur les tablettes de Grand ? Ces pinakes constituent l'exemple idéal pour étudier le développement de l’image zodiacale aux IIe-IIIe s. apr. J.-C., une époque qui correspond à l'apogée de l’astrologie dans le monde romain. Le but principal de notre présentation est d’analyser en détail l’iconographie et la typologie de chaque signe. Après un bref rappel de l’histoire de la formation du zodiaque et des êtres légendaires qui le composent selon les mythographes, nous allons examiner chacun des signes représentés sur les tablettes dans une double perspective. Premièrement, il s’agit de comprendre selon quels principes l’iconographie de chaque signe a été choisie sur cet objet qui devait être l'outil d'un astrologue. Est-ce que les motifs ont été sélectionnés pour être le plus proche possible de la réalité astronomique ou s’inspire-t-ils plutôt de la tradition aratéenne ? Deuxièmement, chaque représentation sera comparée à d’autres monuments contemporains afin d’identifier de nouvelles tendances dans le développement de l’iconographie du zodiaque aux IIe-IIIe s. apr. J.-C. Il s’agira aussi d’évaluer la nature et l'importance des relations de la série monétaire zodiacale d'Antonin le Pieux (144-145 apr. J.-C.) sur l’établissement de nouveaux types iconographiques (par exemple l’ajout de la massue et de la lyre comme attributs du signe des Gémeaux). De plus, nous présenterons quelques découvertes récentes qui permettent de clarifier et de préciser les étapes de la mise en place de l’image zodiacale à l'époque romaine impériale. The iconography of the signs of the zodiac: the contribution of recent discoveries How did imagers depict the signs of the zodiac on Grand tablets? These pinakes are the ideal example for studying the development of zodiacal imagery in the 2nd-3rd century AD, a period that corresponds to the apogee of astrology in the Roman world. The main aim of our presentation is to analyze in detail the iconography and typology of each sign. After a brief review of the history of the formation of the zodiac and the legendary beings that make it up according to mythographers, we will examine each of the signs represented on the tablets from a dual perspective. Firstly, we need to understand the principles by which the iconography of each sign was chosen on an object that was intended to be an astrologer's tool. Were the motifs selected to be as close as possible to astronomical reality, or were they rather inspired by the Aratean tradition? Secondly, each representation will be compared with other contemporary monuments in order to identify new trends in the development of zodiac iconography in the 2nd-3rd century AD. We will also assess the nature and importance of the relationship between the zodiacal monetary series of Antoninus the Pious (144-145 AD) and the establishment of new iconographic types (e.g. the addition of the club and lyre as attributes of the sign of Gemini). In addition, we will present some recent discoveries that clarify and specify the stages in the establishment of the zodiacal image in the Imperial Roman period.
Attilio MASTROCINQUE Une gemme du Cabinet des Médailles (LIM 472) montre un personnage avec deux serpents qui lui entourent l’abdomen. Près de lui, on lit ΜΑΡΜΑΡΑΙωΘ. Le serpent qui enserre une personne à la ceinture peut s’appeler en grec ἕρπης ζωστήρ et, en effet, l’herpès zoster devait son nom au fait qu’il s’apparentait à un serpent qui bouge très lentement. Les médecins anciens étaient convaincus que cette maladie était causée par la bile venant du foie. Parmi les 36 décans, celui qui contrôlait le foie était le troisième du Lion, parfois appelé Phoupe. Sur l’une des deux tablettes de Grand on lit partiellement la première lettre: Ph- ou Ps, et la deuxième pourrait être un O. Il correspond au décan égyptien phu-tet, mais il a l'aspect de Chnoumis, le dieu qui contrôlait toute sorte de liquides, en particulier dans le corps humain. Le décan Charchnoumis ou Chnoumis était normalement le premier décan du Lion. Marmaraoth était le dieu censé contrôler, voir exorciser les démons. Ce décan est donc en lien avec l’herpès zoster. The decan of herpes zoster A gem in the Cabinet des Médailles (LIM 472) shows a figure with two snakes encircling his abdomen. Near him we read ΜΑΡΜΑΡΑΙωΘ. The snake that encircles a person at the waist can be called in Greek ἕρπης ζωστήρ and, indeed, herpes zoster owed its name to the fact that it was similar to a snake that moves very slowly. Ancient physicians were convinced that this disease was caused by bile coming from the liver. Of the 36 decans, the one that controlled the liver was the Third of Leo, sometimes called Phupe. On one of the two Grand tablets, the first letter can be read in part: Ph- or Ps, and the second could be an O. It corresponds to the Egyptian Decan phu-tet, but has the appearance of Chnoumis, the god who controlled all kinds of liquids, including in the human body. The decan Charchnoumis or Chnoumis was normally the first decan of Leo. Marmaraoth was the god who was supposed to control and even exorcise demons, consequently this decan is linked to herpes zoster. |
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